Siphons
TEXTE COLLECTIF
Publié dans le n° 40 de juin 1999
Trous du monde
SIPHONS
Ne souhaiter à personne le miroir du non-dit l'absence signifiée observer l'outre du verbe approcher l'abcès l'ADN du mot
Première loi l'air ignore les regrets de la chair hier les rivaux rêvent haine aujourd'hui rien ne sépare la colère du corps langue à jamais putride caries des bombes tombes alignées obscènes éthiquement impures trou de mémoire quatorze juillet dix-sept tu comment fleurit la soldanelle trou de mémoire vengeances futures des hommes disparaissent chaque matin les yeux dynamités dans des tombeaux sans famille où chaque soir femmes visage errant sexe ouvert aux sauterelles mitraille des lamentations
Deuxième loi l'eau exauce l'appel de la nausée hier les héros abusent d'audaces écarlates demain l'ouvrier désosse l'aube de ses erreurs sanglantes la peau éparse épèle ses lambeaux un chat-huant traverse une fausse rue évidences ma carcasse mes fondrières saillies de limagne cernées de voix marmailles bâclées sur des collines trouées brèches coups fourrés humanité en berne nique l'amer destin d'instinct d'espèce d'abcès trou de mémoire trois fois sept vingt déraisons
Troisième loi la terre tresse son héritage de terreur hier les notaires tirent intérêt de l'austère commerce aujourd'hui gladiateur ordinaire je mesure le rapt du silence nos restes hésitants méprises traîtrises paresse détresse un arbre insiste c'est un trou de verdure que Saint-Germain-les Belles le train y fuit les tours de villes au trou noir tatoué fissuré animal trou de mémoire le participe passé s'accorde avec moi promise à l'instant le siècle a deux trous rouges au côté droit ses ablutions se font au siège des égouts
Quatrième loi le feu refoule ses fureurs dans les reflets nus de l'esprit hier la foule flairant affamée la folie demain la femme souffle forêt flamme l'âme se méfie émoi j'avale les étoiles cœur au trou ventre éclaté bouche pâle mots rotés nichées de sourdes entailles rancunes évidées empreintes vengeances futures trou de mémoire six juin mil neuf cent déclaration de peines nouaison de morts et mots je décuve vous semez c'est du fond que s'éreintent vos calebasses percées cuttée la langue les prépositions sont des mots numents escaladés au clair de lune de mémoire est-ce que ce qui ronge mes défenses cette boue mes sanglots ce linge mes grimaces qu'ai perdu tant de mots éperdus pensés uniques portant je mes cris et tu des chiffres alors mets moi mets moi remarques et trou vert de vert dur et rouge au côté au côté je ne sais plus je saigne
Dans les prisons du monde le monde étrangle ses sanglots ses sangles le vide les larmes le néant le vivant rendant gorge jusqu'à l'origine l'origine du monde où l'homme s'aime où l'homme sème par ses trous ses sens s'est trop s'étrou du
jouir
Y. Béal, I. Ducastaing, C. Bélézy, M-P. Canard, H. Tramoy