Rondeau (dispositifs)

Le numéro 91 de la revue Soleils & cendre appelait "Rondeau".

"Tout poëme est brillant de sa propre beauté ;
Le rondeau né gaulois a la naïveté".
Nicolas Boileau (Art poétique II)


Ci-dessous, des pistes qui ont pu servir pour l'opération de dépassement.
Mais avant tout, s'approprier 
la forme classique


1. Essai de dispositif trépassé :
rondeau, ronds dans l'eau


"Comme d'une pierre jettée en l'eau, dont nous voyons par l'agitation d'icelle des cercles et rondeaux ou circonvolutions s'estendre en rond dedans l'eau". (Ambroise Paré)


Prendre un mot d'une syllabe. Le lancer dans l'eau : il y fait des ronds qui vont s'élargissant. Selon une suite arithmétique : 1 / 1+2=3 / 1+2+3=6 / 1+2+3+4=10 / 1+2+3+4+5=15.
Ainsi, le premier vers est monosyllabique ; le second comporte 3 syllabes ; le troisième, six ; le quatrième, dix (avec césure à l'hémistiche et rime interne) ; le cinquième, quinze (avec double césure 5/5/5 et rimes internes ; les courageux tenteront le quadruple césure 3/3/3/3/3). On applique par ailleurs, pour la rimaille, la règle canonique.
Le tercet est bâti sur la suite 3/6/10.
Le second quintet s'accorde comme le premier.


Un conseil : 1. Lister des mots selon les rimes choisies. 2. Former des fragments (vers de 1 à 15 pieds) aléatoires. 3. Construire, agencer (premières émergences de sens). 4. Et seulement, réécrire (travail du sens et de la cohérence).
C'est à ce prix que vous sortirez de la prégnance du "quelque chose à dire", ce poison de l'écriture.


2. Autre dispositif surpassé :
musique, danse, amour

Le rondeau est à l'origine une forme musicale, vocale au départ. C'est aussi une forme dansée. Né de la chanson, il est lié à la musique et à la danse. Comme forme poétique, les thèmes du rondeau sont presque toujours liés à l'amour, à la célébration de ses joies, à l'évocation de ses peines.
Voilà de quoi justifier notre choix de partir de trois mots : AMOUR, DANSE, MUSIQUE.

1. Choisir l'un de ces concepts, un seul.
2. De là, dresser une liste de mots par association d'idées.
3. Au sein de cette liste, en choisir un, celui qui fait le plus évidence, relativement à votre concept de départ.
4. Puis choisir celui qui fait le plus écart.
5. Enfin, choisir, toujours dans la liste, celui qui fait lien entre les deux précédents.

A partir des trois mots-clés, nous allons faire proliférer la langue, selon les trois principes suivants :

6. Le rondeau renvoie à trois qualités (trois ambiances) : finesse, naïveté, grâce. Nous allons attribuer à chacun des mots-clés des étapes 3, 4 et 5, l'une de ces qualités (les 3 qualités doivent être utilisées, chaque mot-clé s'en voyant attribuer une seule).
7. Prolifération de chacun des mots-clés par association d'idées (pôle idéel) en ayant en tête la qualité qui leur a été attribuée. On obtient trois listes.
8. Prolifération (sans tenir compte cette fois de l'ambiance) à partir de la matérialité des mots (lettres, sonorités). On obtient trois autres listes.

A partir des mots de ces désormais 6 listes, nous allons produire des bribes, des fragments (écriture effervescente), puis un texte "au kilomètre". En gardant à l'esprit le thème initial (danse, musique ou amour).

9. Produire des bribes.
10. Avec ces bribes produire un texte "rapide" : ce texte est surtout matière textuelle. S'il est trop élaboré, la suite n'adviendra pas. Ecrire dans le champ poétique suppose de ne pas vouloir tout maîtriser dès le départ. Seule idée en tête, être attentif, dans ce qui advient en texte, à ce qui accroche le thème.

Les phases suivantes sont consacrées aux réécritures successives. Ce qui caractérise le rondeau, ce sont essentiellement deux choses : a) le jeu sur deux rimes, b) le refrain (ou rentrement). Ce qui va nous occuper.

11. Ramener votre texte (au prix de toutes transformations utiles) à une structure en "vers libres" de type 5 / 3 / 5 (quintains, tercet).
12. Attaquer la rimaille selon le modèle canonique (8 occurrences masculines, 5  féminines, ou le contraire). Cela va bousculer votre texte. Se laisser faire. On se fout de la métrique.
13. Travailler le refrain. Pour cela, il faut reprendre le premier vers, dont le début fera refrain. Il s'agit de l'utiliser en "rentrement" à l'issue du tercet puis du dernier quintain (retournez voir plus haut la forme canonique). La cerise sur le gâteau, c'est que dans ses trois occurrences, il se décale dans le sens.


Allez ! Courage !

Date de création : 25/11/2008 21:41
Dernière modification : 19/07/2009 09:49
Catégorie : - Ateliers d'écriture
Page lue 9581 fois