Av.95/96
Tous les textes "acritique" publiés dans cet index ont été produits lors des séminaires d'Avignon festival de 1995 et 1996. Ils ont été publiés dans le quotidien éphémère Avis d'Off du 13 au 18 juillet 1995 et du 15 au 20 juillet 1996 ; certains (1995) ont trouvé place dans le numéro 26 de la revue Soleils et cendre, "Bateleurs de la langue".
Machine battante aux engrenages fuMants
EnfouiE dans l’oubli des mémoires,
Tu tues le Temps et bouffes nos cervelles.
Roc blafard aux Rouages syncopés
Où l’outil articule l’Ombilic des rêves
Palimpseste gratté du cuir de nos Pensées.
Otage décérébré au rythme d’autOmate,
L’homme désincarné, liquidé, porté pâLe
Intègre les spasmes de la cité fournaIse.
Sirène! Déchire Varèse et siffle nos souvenirS.
Les deux textes qui suivent ont été écrits à partir du même spectacle :
Le jeu de Hotsmakh ou la passeratelle
par la Compagnie Embarquez / Franche-Comté en Avignon
A l’origine, il y a les mots, orgiaques, obsessionnels, ce rituel perpétuellement retrouvé et modifié où l’énonciation vaut existence, où l’homme, colporteur de ces mots, nomade de sa propre parole, se tend, se tend jusqu’avant que ne craquent les fils. Il y a l’homme, tous ces hommes, innombrables, inoubliables, toujours en limite de tension, d’équilibre, toujours à cloche-pied entre ce monde et la porte entrebaillée de l’autre, d’un autre, échardes de temps où se reconstruirait le temps. Il y a encore ces chambres obscures tout au fond des histoires, ces bris de mémoire tout au fond des miroirs, ce jeu pervers et dérisoire qui consisterait à invoquer les sorcières. Il y a tous ces hommes, fébrilement immobiles, ces tribus d’ombres à la recherche du feu, de la braise, de l’écorce d’un mot, d’une note, d’un chagrin, d’une histoire, de l’histoire d’un chagrin, ces tribus d’ombres que le pinceau éparpille sur le bleu frémissant de la toile, dans le froid baiser émietté de l’exode. Il y a le mariage du vent et du cri des violons, ces chiens de pierre à chevaucher aux neiges sablonneuses pour que l’homme s’ombre aux traces des marées.
A la croisée des mots, la musique hypnotise, obsessionne, alluvionne les rêves, accumule en vertige des théâtres de la-vie-la-mort. Le bleu invite, invente l’homme à dieu...
Au delà, le poète funambule esquive à perdre haleine entre le chaos et les étoiles, entre l’araignée et la toile, trafiquant d’hommes ordinaires et de phalènes crépusculaires, colporteur de chimères, chemins de rêves, passeratelles...
Marchez sur les mains perdez votre tête, Le ciel est un cirque où tout est jonglé Et le vent voyage
Me souviendrai-je encore demain de la passeratelle, du violon sur le toit, d’une échelle vers le ciel...
Les deux textes qui suivent pour Ode à Canto
Théâtre du Chêne Noir - Gérard Gélas
Avec Guillaume Lanson (Canto) et Damien Rémy (Lorenzo)
Après, ce sera le silence. Alors, que les mots sortent. Les mots-maux de la rate et du foie, vociférés. Je suis le morcelé, soumis à l’auto-dévoration, hostie de moi-même, halluciné. Ni homme, ni femme, encoquillé et nu, je suis l’Inné, le tout-puissant. Je suis l’homme total, brutal, déchiré et maudit, crachant à la face des cuistres.
Je suis le morcelé, le dédoublé, l’homme aux trois voix, en quête de l’Un.
Le monde est un scandale et c’est moi, livré à l’anathème de ceux qui jugent, c’est moi qui joue. Ma vie, dans les prairies de cactus. Canto le grand, le puissant. Canto toqué ou Canto nain. Qu’Antonin tôt attire à l’art. Et que seul l’art tantôt guérira. Mal rasé, poussé d’amour.
Je suis le duc et l’anti-duc. Celui qu’on étripe et l’étripeur : Alexandre et Lorenzo ; Prospero dans la Tempête, esquif ; ex-Duc de Bourgogne esquivé, vendu, dans le cataclysme du monde et de mon corps, assis, nu, sur le bord d’une assiette plate à brouter du vert, des nains accrochés à mon maillot.
(Travail du corps. L’un : corps précis, professionnel, gestes répétés. L’autre : corps noué, tourmenté, corps-cri.)
Les textes quils m’ont volé, ma voix sans trace, mes gestes singuliers : bras, glissade sur les genoux, doigts désignés, nuque, vibration. Ma voix sans trace, fendu d’amour et de tête explosée, de texte, de sexe. La tête ! Et je me dis que c’est possible. Et tout, deviendra possible. Comme un gamin dans le virage-sud. La tête, AAAAAAAH ! Ma tête ! Mon cul !
Et les mouettes suivent le chalutier.
Je voudrais tant que ma mère comprenne, semble dire Gélas, que ce théâtre est bien pour nous : pour ces deux ex-potaches, par exemple, se demandant dans mon dos si on va pas leur prendre la tête avec des trucs d’intellos, parce que là, dans la tribune d’à côté, ils ont reconnu un vieux prof qui se gratte le menton.
Les titis sont venus voir si la butte avait encore de belles gambettes.
Et le bleu fait claquer ses paillettes dans l’acide d’un bar tabac.
La Seine s’enroule et coule en nous comme un sang familier sans ride ni raison.
Et le blanc cherche le noir.
Joséphine a-t-elle aimé les canotiers, les queues de pie d’un soir de ritournelle ?
Où sont partis les prénoms de celle qui pâlit sous les brumes ?
Et le rouge s’effiloche sous les doigts.
Paris se souvient, s’éveille, fredonne ses sanglots comme des mots d’amour.
Trois dames nous appellent. Trois femmes nous rappellent que des chansons peuvent encore faire rire les oreilles en amplifiant la mémoire des mots.
Paris.
Paris tenu, pari gagné.
Et la lune infiltrée par murmures dans la serrure, juste après le balbutiement de la nuit.
Puis on éclaira les roses en leurs miroirs, on prit le temps d’en dépecer les mots, de souffler sur leurs chairs sensibles, velues ou sanglantes, pures et dures, externes ou latentes.
Or il fallait les toucher, ces mots, à défaut de se laisser toucher, pour que la métamorphose puisse opérer et rêver le monde.
Naissance d’un paradis perdu : dedans, dehors, la nuit ciselée par des voix utérines, le derme sonore de trois sirènes, délivrait nos images à Poseïdon, Osiris ou Midas, ou au poisson-cage qui tentait de mettre les mots en bouche.
Puis nos oreilles à nouveau pleines portant à nos silences la fluidité Mansour.
d’après l’oeuvre de Joyce Mansour
Poésie/Théâtre. Le Moulin à Paroles
Tant que le théâtre écarquillera le silence, solives gémissantes à la proue des navires, que nos voix d’eau mordront la pierre, nos mots de rocaille roulant sous la langue, tant qu’il sera question de déshabiller les épaules de la nuit, vibrantes, ruisselantes de fraternité chuchotée, revendiquée, d’échafauder des bribes d’humain, alors l’homme, nu de sa simple parole, sorcier, exorciste, pour renvoyer aux puits de l’obscur les aboiements des janissaires de l’ordre, alors il faudra encore et toujours nous maquiller, naïfs et malicieux, impudiques, nous, princes roturiers, le masque comme choix d’être. Alors, Serge Pauthe, sur l’immensité d’un mouchoir de poche, présent à l’autre, présent à soi, retrouvera Vilar, souvenirs ébruités, deux, puis bien plus nombreux à travers cette gémelle déambulation, à chaque instant plus vigilants, plus dignes, plus intègres et entiers.
d'après La bataille de Chaillot
de Serge Pauthe
Polyglotte dérisoire cherche appui sur trapèze imparfait.
Avant la vie, la chaise. Mais qui dit qu’elle n’était pas déjà vivante. L’homme, dans son évolution,
n’est-il pas l’avatar manufacturé de la chaise ?
Femme objet, plus objet que l’objet
Cachez cette chaise que je ne saurais choir
Croit-il qu’il crée, qu’il invente, qu’il se civilise, quand il n’est que le produit, l’objet de l’objet, le sujet asservi, le vassal.
Ecartèlement jubilatoire
coït mobilier
sortie privée
accouchement d’un siège
en rose mousse
scène talquée de la vie
maternelle
Mais du sujet au sujet, un simple glissement sémantique anodin, apparemment sans importance et qui change tout : conscience.
Gargarismes d’autruche
attaque à chaise armée
L’homme est homme, créateur de lui-même, même s’il se laisse encore trop souvent entraîner par sa préalable condition d’objet de l’histoire, de matière molle, malléable, fragile et faible.
Haute-contre dénuement
chaise nuptiale
élévation des corps
et rendez-vous jouissif
Roulement des chaises dépoitraillées
rituel d’amour androgyne
L’homme est bien une chaise molle, mais toujours là et pour longtemps sans doute, tandis que traînent à la décharge, au rebut, au cloaque... le dur, le cassant, le cassé, la chaise.
Y. Béal, M. Bernard-Froissard,
I. Ducastaing, A. Janicot, M. Poudroux
d'après Les chaises molles
Le petit monsieur en complet veston avec son cartable son chapeau son parapluie hésite un peu avant d’entrer. Le temps n’est pas encore installé.
Une pièce. avec une table. un tapis. un porte-manteau. des valises posées là dans l’évidence de leur matière peinte. Et pourtant je ne les vois pas je ne vois sur la toile que le petit monsieur qui installe le temps théâtral et traque les signes de la gestation.
Il accroche son chapeau son parapluie sa veste et commence à parler une sorte (sorte ?) de monologue. une parole. un verbe. un texte qui se déroule. déroule la bouteille de son cartable. déroule ses pas dans la pièce. déroule les mots en longues bandes qui restent suspendues dans l’espace.
Je guette la cheminée absente pour ne pas manquer le train qui surgira c’est sûr dès que le clown tournera le dos pour décrocher les nuages, le ciel, bousculé chamboulé emballé tout entier dans le tapis tapi au milieu du plancher.
Il pose le tout sur la table et tend la pomme à la mer qui ne veut pas marcher.
Le petit monsieur provisoire éteint alors la lumière et laisse suspendus les mots qui s’enroulent à nos oreilles et se collent à nos yeux. Nous les écartons un peu pour sortir en prenant soin de ne pas les déchirer.
ARCHEOLOGIQUES
Machine battante aux engrenages fuMants
EnfouiE dans l’oubli des mémoires,
Tu tues le Temps et bouffes nos cervelles.
Roc blafard aux Rouages syncopés
Où l’outil articule l’Ombilic des rêves
Palimpseste gratté du cuir de nos Pensées.
Otage décérébré au rythme d’autOmate,
L’homme désincarné, liquidé, porté pâLe
Intègre les spasmes de la cité fournaIse.
Sirène! Déchire Varèse et siffle nos souvenirS.
Marie-Hélène Demarle
écrit après Metropolis Type
par les Musiciens de la goutte qui fait déborder le jazz
par les Musiciens de la goutte qui fait déborder le jazz
Les deux textes qui suivent ont été écrits à partir du même spectacle :
Le jeu de Hotsmakh ou la passeratelle
par la Compagnie Embarquez / Franche-Comté en Avignon
MARIONNETTE - MARIONNETTISTE
A l’origine, il y a les mots, orgiaques, obsessionnels, ce rituel perpétuellement retrouvé et modifié où l’énonciation vaut existence, où l’homme, colporteur de ces mots, nomade de sa propre parole, se tend, se tend jusqu’avant que ne craquent les fils. Il y a l’homme, tous ces hommes, innombrables, inoubliables, toujours en limite de tension, d’équilibre, toujours à cloche-pied entre ce monde et la porte entrebaillée de l’autre, d’un autre, échardes de temps où se reconstruirait le temps. Il y a encore ces chambres obscures tout au fond des histoires, ces bris de mémoire tout au fond des miroirs, ce jeu pervers et dérisoire qui consisterait à invoquer les sorcières. Il y a tous ces hommes, fébrilement immobiles, ces tribus d’ombres à la recherche du feu, de la braise, de l’écorce d’un mot, d’une note, d’un chagrin, d’une histoire, de l’histoire d’un chagrin, ces tribus d’ombres que le pinceau éparpille sur le bleu frémissant de la toile, dans le froid baiser émietté de l’exode. Il y a le mariage du vent et du cri des violons, ces chiens de pierre à chevaucher aux neiges sablonneuses pour que l’homme s’ombre aux traces des marées.
Claude Niarfeix
LE PASSAGE DANS LA BRUME :
FAUT TOUJOURS RIRE-MISÈRE !
FAUT TOUJOURS RIRE-MISÈRE !
Par la souche de l’amandier,
Mirelè-pour-de-vrai,
demoiselle-la-vie-sera-belle,
embrasse
Mirelè-pour-de-faux misère-cache-misère...
Deux fillettes derrière la vitre installe(nt) un pays dans le paysage.Mirelè-pour-de-vrai,
demoiselle-la-vie-sera-belle,
embrasse
Mirelè-pour-de-faux misère-cache-misère...
A la croisée des mots, la musique hypnotise, obsessionne, alluvionne les rêves, accumule en vertige des théâtres de la-vie-la-mort. Le bleu invite, invente l’homme à dieu...
Au delà, le poète funambule esquive à perdre haleine entre le chaos et les étoiles, entre l’araignée et la toile, trafiquant d’hommes ordinaires et de phalènes crépusculaires, colporteur de chimères, chemins de rêves, passeratelles...
Marchez sur les mains perdez votre tête, Le ciel est un cirque où tout est jonglé Et le vent voyage
Me souviendrai-je encore demain de la passeratelle, du violon sur le toit, d’une échelle vers le ciel...
Faut jamais dire jamais
dit l’apprentie-sorcière
Faut toujours dire toujours
répond la vie sur terre
Faut jamais dire toujours
hurle une voix populaire
Faut toujours rire-misère
pour troquer, truquer, traquer
la vie derrière
Je ne sais si j’aurai l’air de-tout-de-rien qui insiste ou s’enfuit de la tête, mais pour longtemps encore chaque tableau s’installe, avec l’homme-personnage solide, fragile entre le vide et l’envol, comme un Chagall ventriloque répétant à l’infini : il était un milliard de foi(s).dit l’apprentie-sorcière
Faut toujours dire toujours
répond la vie sur terre
Faut jamais dire toujours
hurle une voix populaire
Faut toujours rire-misère
pour troquer, truquer, traquer
la vie derrière
Yves Béal
Deux textes pour un même spectacle, ci-dessous :
Fou de bassan
par la Compagnie Rasposo
Meuf fatiguée de tes allers-retours sinueux entre les tables dites de restauration, le Fou de Bassan t’invite.
Une chèvre se difforme sur des tabourets étagés, pieds en un poing, corps arrondi et gonflé. Des musiques monumentales élargissent le regard vers une charpente invisible où les corps s’osent sur des lignes en virevolte dignes d’une humanité animale réinventée.
Vocalises déroulées dans les coulisses de l’air, fragile position des talons sur la barre pendulaire du trapèze, polyphonie mouvementée de la rose équilibriste ailée de trois colombes et chaussée d’une roue offerte à la glisse d’un fil.
L’un n’existe que dans le point de conjonction des deux yeux, mais il est plein du simultané jonglage en tous-les-sens.
Solaire ! Sans risque d’aveuglement.
Cirque !
Fastes et prouesses
Lustre
Grimaces
Muet rit, Muet pleure, Muet a peur
Solitaire et fleur bleue, Muet rêve au rose pastel des chaussons.
Folie
Génie et inventions
Fou Soleil et satellite
Le fou rit
Euphorie
Ballerines et bossus dansent, jonglent, fleurissent les trapèzes.
Mime et magie,
Masques et dressage
Miroir à facettes
Maquillage
Dixit, dixit
Regards en enfance se balancent aux cimes et chancellent à la démesure.
Efflorescence,
Poupée équilibriste, marionnette en chaussons, emperruquée, embalconnée, s’empassionne.
Musique !
Fou de bassan
par la Compagnie Rasposo
TOUT EN UN
Meuf fatiguée de tes allers-retours sinueux entre les tables dites de restauration, le Fou de Bassan t’invite.
Une chèvre se difforme sur des tabourets étagés, pieds en un poing, corps arrondi et gonflé. Des musiques monumentales élargissent le regard vers une charpente invisible où les corps s’osent sur des lignes en virevolte dignes d’une humanité animale réinventée.
Vocalises déroulées dans les coulisses de l’air, fragile position des talons sur la barre pendulaire du trapèze, polyphonie mouvementée de la rose équilibriste ailée de trois colombes et chaussée d’une roue offerte à la glisse d’un fil.
L’un n’existe que dans le point de conjonction des deux yeux, mais il est plein du simultané jonglage en tous-les-sens.
Solaire ! Sans risque d’aveuglement.
Annie Janicot
FACETIES A L’ANCIENNE
Cirque !
Fastes et prouesses
Lustre
Grimaces
Muet rit, Muet pleure, Muet a peur
Solitaire et fleur bleue, Muet rêve au rose pastel des chaussons.
Folie
Génie et inventions
Fou Soleil et satellite
Le fou rit
Euphorie
Ballerines et bossus dansent, jonglent, fleurissent les trapèzes.
Mime et magie,
Masques et dressage
Miroir à facettes
Maquillage
Dixit, dixit
Regards en enfance se balancent aux cimes et chancellent à la démesure.
Efflorescence,
Poupée équilibriste, marionnette en chaussons, emperruquée, embalconnée, s’empassionne.
Musique !
Isabelle Ducastaing
Les deux textes qui suivent pour Ode à Canto
Théâtre du Chêne Noir - Gérard Gélas
Avec Guillaume Lanson (Canto) et Damien Rémy (Lorenzo)
120 HEURES POUR PARLER A PERPETUITE
Après, ce sera le silence. Alors, que les mots sortent. Les mots-maux de la rate et du foie, vociférés. Je suis le morcelé, soumis à l’auto-dévoration, hostie de moi-même, halluciné. Ni homme, ni femme, encoquillé et nu, je suis l’Inné, le tout-puissant. Je suis l’homme total, brutal, déchiré et maudit, crachant à la face des cuistres.
Je suis le morcelé, le dédoublé, l’homme aux trois voix, en quête de l’Un.
Le monde est un scandale et c’est moi, livré à l’anathème de ceux qui jugent, c’est moi qui joue. Ma vie, dans les prairies de cactus. Canto le grand, le puissant. Canto toqué ou Canto nain. Qu’Antonin tôt attire à l’art. Et que seul l’art tantôt guérira. Mal rasé, poussé d’amour.
Je suis le duc et l’anti-duc. Celui qu’on étripe et l’étripeur : Alexandre et Lorenzo ; Prospero dans la Tempête, esquif ; ex-Duc de Bourgogne esquivé, vendu, dans le cataclysme du monde et de mon corps, assis, nu, sur le bord d’une assiette plate à brouter du vert, des nains accrochés à mon maillot.
(Travail du corps. L’un : corps précis, professionnel, gestes répétés. L’autre : corps noué, tourmenté, corps-cri.)
Les textes quils m’ont volé, ma voix sans trace, mes gestes singuliers : bras, glissade sur les genoux, doigts désignés, nuque, vibration. Ma voix sans trace, fendu d’amour et de tête explosée, de texte, de sexe. La tête ! Et je me dis que c’est possible. Et tout, deviendra possible. Comme un gamin dans le virage-sud. La tête, AAAAAAAH ! Ma tête ! Mon cul !
Et les mouettes suivent le chalutier.
Je voudrais tant que ma mère comprenne, semble dire Gélas, que ce théâtre est bien pour nous : pour ces deux ex-potaches, par exemple, se demandant dans mon dos si on va pas leur prendre la tête avec des trucs d’intellos, parce que là, dans la tribune d’à côté, ils ont reconnu un vieux prof qui se gratte le menton.
Henri Tramoy
CANTO ART
Droit, raide, rude, cognant ballon comme hooligan, immigré avec les immigrés, dénigré avec les dénigrés, dé-négré avec les dé-négrés du monde et de ses secrets, révolté en but et contre tous, loin des théâtres du consensus, hachant et tranchant les pourfendeurs de l’intégration, Bel Canto, roi du foutre de Marseille, toto le héros des non héros, pou aux yeux d’or de Manchester, Canto avec Artaud se dresse tel le Balzac de Rodin, ces deux autres que tous ont vomi.
Sculptés dans le marbre noir de la fange et de la bouge, ils se lèvent ensemble à l’entrée du stade des repris de justice, sales de toutes les boues de l’humanité. Désarticulé, décharné, exorbité, ébouriffé, Artaud l’entoure, la gueule grande ouverte, il braille le mot qui lui vient du fond du corps.
Et tant pis pour tous ceux cuistres, incultes, découpeurs de ballons en quatre, encouillés du cerveau qui pensent que foot et théâtre ne peuvent accoucher d’un même rejeton.
Sculptés dans le marbre noir de la fange et de la bouge, ils se lèvent ensemble à l’entrée du stade des repris de justice, sales de toutes les boues de l’humanité. Désarticulé, décharné, exorbité, ébouriffé, Artaud l’entoure, la gueule grande ouverte, il braille le mot qui lui vient du fond du corps.
Et tant pis pour tous ceux cuistres, incultes, découpeurs de ballons en quatre, encouillés du cerveau qui pensent que foot et théâtre ne peuvent accoucher d’un même rejeton.
Jacques Derubay
(Et comme les mouettes suivons le chalutier)
L'AIR DE PARIS
Les titis sont venus voir si la butte avait encore de belles gambettes.
Et le bleu fait claquer ses paillettes dans l’acide d’un bar tabac.
La Seine s’enroule et coule en nous comme un sang familier sans ride ni raison.
Et le blanc cherche le noir.
Joséphine a-t-elle aimé les canotiers, les queues de pie d’un soir de ritournelle ?
Où sont partis les prénoms de celle qui pâlit sous les brumes ?
Et le rouge s’effiloche sous les doigts.
Paris se souvient, s’éveille, fredonne ses sanglots comme des mots d’amour.
Trois dames nous appellent. Trois femmes nous rappellent que des chansons peuvent encore faire rire les oreilles en amplifiant la mémoire des mots.
Paris.
Paris tenu, pari gagné.
Marie-Pierre Canard
L’air de Paris
au Théâtre du Cabestan
L’air de Paris
au Théâtre du Cabestan
PEAUX D’ANNE
Et la lune infiltrée par murmures dans la serrure, juste après le balbutiement de la nuit.
Puis on éclaira les roses en leurs miroirs, on prit le temps d’en dépecer les mots, de souffler sur leurs chairs sensibles, velues ou sanglantes, pures et dures, externes ou latentes.
Or il fallait les toucher, ces mots, à défaut de se laisser toucher, pour que la métamorphose puisse opérer et rêver le monde.
Naissance d’un paradis perdu : dedans, dehors, la nuit ciselée par des voix utérines, le derme sonore de trois sirènes, délivrait nos images à Poseïdon, Osiris ou Midas, ou au poisson-cage qui tentait de mettre les mots en bouche.
Puis nos oreilles à nouveau pleines portant à nos silences la fluidité Mansour.
Serge Tadier
Poésie/Théâtre. Le Moulin à Paroles
TANT QUE LE THÉÂTRE
Tant que le théâtre écarquillera le silence, solives gémissantes à la proue des navires, que nos voix d’eau mordront la pierre, nos mots de rocaille roulant sous la langue, tant qu’il sera question de déshabiller les épaules de la nuit, vibrantes, ruisselantes de fraternité chuchotée, revendiquée, d’échafauder des bribes d’humain, alors l’homme, nu de sa simple parole, sorcier, exorciste, pour renvoyer aux puits de l’obscur les aboiements des janissaires de l’ordre, alors il faudra encore et toujours nous maquiller, naïfs et malicieux, impudiques, nous, princes roturiers, le masque comme choix d’être. Alors, Serge Pauthe, sur l’immensité d’un mouchoir de poche, présent à l’autre, présent à soi, retrouvera Vilar, souvenirs ébruités, deux, puis bien plus nombreux à travers cette gémelle déambulation, à chaque instant plus vigilants, plus dignes, plus intègres et entiers.
Claude Niarfeix
de Serge Pauthe
DÉTOURNEMENT D’OBJET, MINEURES
Polyglotte dérisoire cherche appui sur trapèze imparfait.
Avant la vie, la chaise. Mais qui dit qu’elle n’était pas déjà vivante. L’homme, dans son évolution,
n’est-il pas l’avatar manufacturé de la chaise ?
Femme objet, plus objet que l’objet
Cachez cette chaise que je ne saurais choir
Croit-il qu’il crée, qu’il invente, qu’il se civilise, quand il n’est que le produit, l’objet de l’objet, le sujet asservi, le vassal.
Ecartèlement jubilatoire
coït mobilier
sortie privée
accouchement d’un siège
en rose mousse
scène talquée de la vie
maternelle
Mais du sujet au sujet, un simple glissement sémantique anodin, apparemment sans importance et qui change tout : conscience.
Gargarismes d’autruche
attaque à chaise armée
L’homme est homme, créateur de lui-même, même s’il se laisse encore trop souvent entraîner par sa préalable condition d’objet de l’histoire, de matière molle, malléable, fragile et faible.
Haute-contre dénuement
chaise nuptiale
élévation des corps
et rendez-vous jouissif
Roulement des chaises dépoitraillées
rituel d’amour androgyne
L’homme est bien une chaise molle, mais toujours là et pour longtemps sans doute, tandis que traînent à la décharge, au rebut, au cloaque... le dur, le cassant, le cassé, la chaise.
Y. Béal, M. Bernard-Froissard,
I. Ducastaing, A. Janicot, M. Poudroux
d'après Les chaises molles
CECI N’EST PAS UNE PIPE
Le petit monsieur en complet veston avec son cartable son chapeau son parapluie hésite un peu avant d’entrer. Le temps n’est pas encore installé.
Une pièce. avec une table. un tapis. un porte-manteau. des valises posées là dans l’évidence de leur matière peinte. Et pourtant je ne les vois pas je ne vois sur la toile que le petit monsieur qui installe le temps théâtral et traque les signes de la gestation.
Il accroche son chapeau son parapluie sa veste et commence à parler une sorte (sorte ?) de monologue. une parole. un verbe. un texte qui se déroule. déroule la bouteille de son cartable. déroule ses pas dans la pièce. déroule les mots en longues bandes qui restent suspendues dans l’espace.
Je guette la cheminée absente pour ne pas manquer le train qui surgira c’est sûr dès que le clown tournera le dos pour décrocher les nuages, le ciel, bousculé chamboulé emballé tout entier dans le tapis tapi au milieu du plancher.
Il pose le tout sur la table et tend la pomme à la mer qui ne veut pas marcher.
Le petit monsieur provisoire éteint alors la lumière et laisse suspendus les mots qui s’enroulent à nos oreilles et se collent à nos yeux. Nous les écartons un peu pour sortir en prenant soin de ne pas les déchirer.
Françoise Ille
écrit après Voyage dans l’Espace du Dedans d’après H. Michaux
Conception et jeu de M. Parent
IMAGE DU SAISISSEMENT
Placardée dans cette ville de bec et de griffes, de remparts et de livrées, une main tardive. Main de cœur. Capable de retourner dans un jeu battu, l’arcane du bateleur. D’étrangler des princes dans un champ de blés mûrs.
D’aucuns parmi nous, liront dans sa paume le destin des hommes et de leurs feux. Les éveilleurs.
Elle soulève le bleu lavande d’un linge, juillet capture mes émotions. Et ce foutu pont, qui n’a jamais trop su comment aborder l’autre rive
Son élégance me déploie. La colère me ferai presque défaut.
Conception et jeu de M. Parent
IMAGE DU SAISISSEMENT
Placardée dans cette ville de bec et de griffes, de remparts et de livrées, une main tardive. Main de cœur. Capable de retourner dans un jeu battu, l’arcane du bateleur. D’étrangler des princes dans un champ de blés mûrs.
D’aucuns parmi nous, liront dans sa paume le destin des hommes et de leurs feux. Les éveilleurs.
Elle soulève le bleu lavande d’un linge, juillet capture mes émotions. Et ce foutu pont, qui n’a jamais trop su comment aborder l’autre rive
Son élégance me déploie. La colère me ferai presque défaut.
Marc Rousselet
d'après l'affiche du festival 1996
Décontaminer
les mariages orangers des maîtres assermentés et
Dégager
du sang, le silence qui agite le labyrinthe amical des lieux d’expérimentation pour
Débuter
des aventures qui soufflent sur le patrimoine des pères-verts.
Défloquer
les affaires courtisanes de société et
Déménager
les palabres déblatérées au détour des courses vivaces de la langue de bois pour
Délirer
sur les hasards creusés au rythme des sillons humains.
d'après l'affiche du festival 1996
Les 3 textes qui suivent sont consacrés au même spectacle :
Fréhel, la goualante de l’indomptée
Cie du Belouga - Pascale Lievyn
Teyra et Jacquis Cilento
A l’ombre d’un réverbère
il rive son regard à celle qui meurt d’amour
il pianote dans le noir une descente à l’envers de la vie
il écrit la mémoire de sanglots populaires
A l’ombre d’un réverbère
il se plie à l’isthme de son soufflet et les touches argentées se plantent au bord des yeux
il frissonne et s’élance loin des vapeurs éphémères
il attend et balance un air de java bleue aussi triste qu’un baiser de faucheuse
A l’ombre d’un réverbère
Circulez y a rien à voir !
Y a qu’ma vieille peau qu’a rien à dire
ou trop à dire, mais c’est pareil :
Qui comprendrait ?
J’suis plus dans l’coup. J’ai trop donné.
Qu’ça peut vous faire mes délires ?
Vieille alcolo paumée camée ?
L’train a passé...
Mais vos dérives pouvez-y aller je les r’connais.
Faut pas m’ la faire et vous l’savez.
Toi la p’tite blonde et ton grand mec
t’es bien mignonne tu m’fais sourire
ça m’ferait pleurer si j’savais pas rire !
Allez jeunesse bien propre bien nette
j’sais bien c’qui y a au fond d’vos tripes
j’sais bien c’qui vibre...
Si vous êtes là c’est pas pour moi
c’est pas l’passé qui vous attire !
Moi j’vais vous dire :
ça sonne pareil dans vos gamelles
et ma vieille gueule c’est vot’ miroir .
Allez bonsoir, y a rien à voir !
Rouge, noir.
Un verre de rouge, la robe noire, douce moire.
Mouvement d’accordéon.
Volée, la voix de petite fille lavande culbutée sur terrain vague.
Drossée, la voix de gorge et de poitrine dans une rue sans nom.
Brisés, les jupons tziganes se glacent, doigts écartés bras crucifiés.
D’exil et de retour, le chant ruisselle.
La pureté du bleu cautérise les ripailles, les lèvres rouges, les cheveux roux, les mots hirsutes. Elle éteint l’alcool et la blafarde aux deux visages. Elle accorde la mise à mort et l’oubli.
Le garage gris, le bistrot, la scène. Rouge, noir.
Fréhel, la goualante de l’indomptée
Cie du Belouga - Pascale Lievyn
Teyra et Jacquis Cilento
L’ACCORDÉONISTE
A l’ombre d’un réverbère
il rive son regard à celle qui meurt d’amour
il pianote dans le noir une descente à l’envers de la vie
il écrit la mémoire de sanglots populaires
A l’ombre d’un réverbère
il se plie à l’isthme de son soufflet et les touches argentées se plantent au bord des yeux
il frissonne et s’élance loin des vapeurs éphémères
il attend et balance un air de java bleue aussi triste qu’un baiser de faucheuse
A l’ombre d’un réverbère
M-P. Canard
FREHEL
Circulez y a rien à voir !
Y a qu’ma vieille peau qu’a rien à dire
ou trop à dire, mais c’est pareil :
Qui comprendrait ?
J’suis plus dans l’coup. J’ai trop donné.
Qu’ça peut vous faire mes délires ?
Vieille alcolo paumée camée ?
L’train a passé...
Mais vos dérives pouvez-y aller je les r’connais.
Faut pas m’ la faire et vous l’savez.
Toi la p’tite blonde et ton grand mec
t’es bien mignonne tu m’fais sourire
ça m’ferait pleurer si j’savais pas rire !
Allez jeunesse bien propre bien nette
j’sais bien c’qui y a au fond d’vos tripes
j’sais bien c’qui vibre...
Si vous êtes là c’est pas pour moi
c’est pas l’passé qui vous attire !
Moi j’vais vous dire :
ça sonne pareil dans vos gamelles
et ma vieille gueule c’est vot’ miroir .
Allez bonsoir, y a rien à voir !
Françoise Ille
ENTRE VOIR LAUTREC
Rouge, noir.
Un verre de rouge, la robe noire, douce moire.
Mouvement d’accordéon.
Volée, la voix de petite fille lavande culbutée sur terrain vague.
Drossée, la voix de gorge et de poitrine dans une rue sans nom.
Brisés, les jupons tziganes se glacent, doigts écartés bras crucifiés.
D’exil et de retour, le chant ruisselle.
La pureté du bleu cautérise les ripailles, les lèvres rouges, les cheveux roux, les mots hirsutes. Elle éteint l’alcool et la blafarde aux deux visages. Elle accorde la mise à mort et l’oubli.
Le garage gris, le bistrot, la scène. Rouge, noir.
Chantal Bélézy
ce qui suit : après Les serments indiscrets de Marivaux
Théâtre au présent
Décontaminer
les mariages orangers des maîtres assermentés et
Dégager
du sang, le silence qui agite le labyrinthe amical des lieux d’expérimentation pour
Débuter
des aventures qui soufflent sur le patrimoine des pères-verts.
Défloquer
les affaires courtisanes de société et
Déménager
les palabres déblatérées au détour des courses vivaces de la langue de bois pour
Délirer
sur les hasards creusés au rythme des sillons humains.
Martine Froissart
ROIS DE LA NUIT
Respire autrement pour conjurer nos frayeurs collectives.
Laisse la rue gesticuler. Les beaux-parleurs s’époumoner.
Pique quelques étoiles au ciel restitué.
Et célèbre Shakespeare au fond des cours.
Accueille ce peuple de fruits et de plumes, la corne galbée et le masque flamboyant.
Sculpte dans la fragilité d’une flamme le chœur triomphant au verbe haut et irrévérencieux.
Sois ici témoin et confident d’une société où seul l’Amour a les pleins pouvoirs.
Donne aux fous tous les talents. Passe les sots par les armes du rire.
Confie à l’amour l’apparence d’un sexe gémellaire.
Imagine un monde de saveurs et d’allégresse, au plaisir brûlant de vie redécouverte.
Oublie un instant la tyrannie des rois et la souffrance des peuples.
Ta victoire sera notre victoire. Plus belle encore parce qu’offerte.
L’air est toujours aussi chaud au pays des aubes éternelles.
Tu es roi. Je suis roi. Nous sommes tous cernés par l’extraordinaire.
Chantons à en faire pâlir la voute céleste!
Laisse la rue gesticuler. Les beaux-parleurs s’époumoner.
Pique quelques étoiles au ciel restitué.
Et célèbre Shakespeare au fond des cours.
Accueille ce peuple de fruits et de plumes, la corne galbée et le masque flamboyant.
Sculpte dans la fragilité d’une flamme le chœur triomphant au verbe haut et irrévérencieux.
Sois ici témoin et confident d’une société où seul l’Amour a les pleins pouvoirs.
Donne aux fous tous les talents. Passe les sots par les armes du rire.
Confie à l’amour l’apparence d’un sexe gémellaire.
Imagine un monde de saveurs et d’allégresse, au plaisir brûlant de vie redécouverte.
Oublie un instant la tyrannie des rois et la souffrance des peuples.
Ta victoire sera notre victoire. Plus belle encore parce qu’offerte.
L’air est toujours aussi chaud au pays des aubes éternelles.
Tu es roi. Je suis roi. Nous sommes tous cernés par l’extraordinaire.
Chantons à en faire pâlir la voute céleste!
Monique Poudroux
La nuit des rois de Shakespeare
par Le grenier de Bourgogne
Date de création : 31/07/2008 16:48
Dernière modification : 19/01/2010 17:43
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