Fatras & fatrasie
FATRAS & FATRASIE
suivi de trois dispositifs
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Nouvelle FORME à explorer en vue du numéro 148 de la revue qui sortira à la fin du printemps 2025.
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POUR LES DÉFINIR
d'après divers articles ci-après cités
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Disparues au XVè siècle, redécouvertes au XX siècle (notamment par les surréalistes à l’affût de formes nouvelles), venues du XIIIè siècle (fatrasie), ou du XIVè (fatras) ce sont des formes fixes à forte contrainte. Mais à l’envers de cette rigueur formelle, leur contenu est proche du non-sense.
Pratiquées, dans le nord de la France : fatrasies d’Arras et de Philippe de Beaumanoir, les seules qui soient parvenues jusqu’à nous. Voire en Belgique : fatras de Watriquet de Couvin, par exemple.
CONTRAINTE de FORME
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La fatrasie est composée de onze vers : un sizain de cinq pieds suivi d’un quintil de sept pieds. Elle s’écrit sur deux rimes réparties rigoureusement :
AABAAB/BABAB
La fin du sizain est nettement marquée, grâce au sens (la ponctuation n'existait pas au Moyen Âge).
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Li chans d'une raine
Saine une balaine
Ou fons de la mer,
Et une seraine
Si em portoit Saine
Deseur Saint Omer.
Uns muiaus i vint chanter
Sans mot dire a haute alaine.
Se ne fust Warnaviler,
Noié fuissent en le vaine
D'une teste de sengler.
Fatrasie de Philippe de Beaumanoir (1250-1296)
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Le fatras (13 vers) commence par deux vers (distique) empruntés à un poème connu. Il est suivi d’un onzain (même système de rimes que la fatrasie mais avec des vers de la même longueur).
Le premier vers du distique devient le premier vers du onzain, le deuxième vers du distique devient le dernier vers du onzain.
Tous les vers ont le même nombre de pieds, donné par les vers du distique (en général l’octosyllabe).
Le fatras s’écrit donc selon le schéma de rimes : AB A/ABAABBABA/B
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La chose va très mal
Où point n’a de justice
La chose va très mal,
Dit un veau de métal
Au front d’une génisse,
Qui en un orinal
Bouffa un cardinal,
Qui faisait sacrifice
De l’œil d’une écrevisse
En un four de cristal,
Pour ce que sa pelisse
Tenait état royal
Où n’a point de justice.
Fatras de Baudet Hérenc (v1410-v1470)
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Le double fatras : le premier fatras est suivi d’un second dont le distique (le même) inverse l’ordre de ses vers,
d'où : AB A/ABAABBABA/B BA B/BABBAABAB/A
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CONSTRUCTION et SENS
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Le contenu s’oppose à la forme : proche du non-sense.
La phrase est cohérente (sujet, verbe, compléments), mais les constituants en sont généralement incompatibles entre eux (travail sur l'agrammaticalité). L’ordre habituel des choses est bousculé :
- comportement des animaux,
- objets doués de vie (à l’instar des dessins animés contemporains),
- géographie bouleversée, villes, villages, hameaux inversés,
- outils détournés de leur usage…
Le fatras et la fatrasie mettent ainsi en scène objets et animaux dans des situations incongrues rappelant à notre époque les dessins animés, certains poèmes de Robert Desnos (la fourmi de dix-huit mètres), les films des Monthy Python.
Autres caractéristiques : absence de textes à la première personne, passage du coq-à-l’âne… mais aussi parfois vulgarité, scatologie, pornographie. La fatrasie autorise aussi l’irrévérence envers la religion (jusqu’au blasphème), le pouvoir en place ou les normes de l’époque.
On a donc affaire à une textualité d’une grande modernité qui s'inscrit parfaitement dans les orientations de la revue Soleils & cendre.
Toutefois le fatras qualifié de possible (XVè siècle), propose un sens cohérent à partir du thème du distique de départ.
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Références utiles : Darius Hypérion ; Fatras ; Fatrasie ; site La pierre et le sel ; étude Université de la Réunion
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POUR ÉCRIRE UN FATRAS
conforme au modèle médiéval
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1. Choisir deux vers consécutifs de 8 syllabes d’un poème connu avec un seul impératif de choix : que l’un ait une rime féminine (rime A), l’autre une rime masculine (rime B).
. une rime féminine se termine à l’écrit par un e muet à l’oral (exemples : onde, sacrifice, innocence, travaille, vie, poire…).
Ce seront nos deux vers de départ (distique) : vers à rime A et vers à rime B.
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2. Dresser deux listes de mots : des mots à rime A (liste A), des mots à rime B (liste B)
3. Votre poème se construira en 13 vers de même longueur (octosyllabes).
a. les deux vers de départ
b. le vers 3 : le premier vers du distique (rime A)
c. neuf vers ainsi répartis :
vers 4 : octosyllabe rimé en A
vers 5 : octosyllabe rimé en B
vers 6 : octosyllabe rimé en A
vers 7 : octosyllabe rimé en A
vers 8 : octosyllabe rimé en B
vers 9 : octosyllabe rimé en B
vers 10 : octosyllabe rimé en A
vers 11 : octosyllabe rimé en B
vers 12 : octosyllabe rimé en A
d. le vers 13 : le deuxième vers du distique.
Nota Bene : garder en tête une ou plusieurs des caractéristiques du fatras, citées plus haut.
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POUR ÉCRIRE UNE FATRASIE
conforme au modèle médiéval
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Une fatrasie (voir définition plus haut) est composée de 6 vers de 5 pieds suivis de 5 vers de 7 pieds dont les rimes s’alternent selon le schéma suivant :
AABAAB BABAB
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1. Dans un texte quelconque, choisir un mot de rime masculine et un mot de rime féminine
. une rime féminine se termine à l’écrit par un e muet à l’oral (exemples : chante, roule, réverbère, coude, joie…).
2. Dresser deux listes de mots, des mots à rime A (liste A), des mots à rime B (liste B)
3. À partir de cette matière, écrire votre fatrasie selon la structure : six pentasyllabes en AABAAB ; cinq heptasyllabes en BABAB.
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Nota Bene : garder en tête une ou plusieurs des caractéristiques de la fatrasie, citées plus haut.
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POUR ÉCRIRE "EN DÉPASSEMENT"
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Par dépassement, nous n'entendons pas table rase. La forme reste sous-jacente même si elle subit des aléas. On peut en imaginer de multiples avatars : garder seulement certaines contraintes, en modifier les aspects ou bien en ajouter.
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S'agissant du rapport sens / non-sense :
- au contraire du modèle initial du fatras ou de la fatrasie, saturer le texte de sens
- en profiter pour une critique acerbe et explicite du monde ou à rebours un hymne à la vie
- écrire l'utopie ou le chaos
- chacun et chacune, dans sa représentation propre de la fonction de la poésie, choisir un thème porteur
- écrire un chant de lutte à porter "sur les barricades"
- déconstruction de la syntaxe du type "vos yeux mourir belle marquise d'amour me font"
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S'agissant de l'aspect formel, on imagine de multiples compositions des formes :
- systématiser la rupture d'agencement syntaxique en laissant transparaître du sens et en préservant la forme initiale
- écrire deux fatrasies en miroir (emboîtées tête-bêche) tout en préservant une cohérence sémantique de l'objet final
- écrire un fatras en boucle (pour dépasser le modèle du double-fatras)
- construire un "amas" de fatras ou fatrasies en préservant l'essentiel des formes initiales
- jouer de l'enroulement des rimes
- garder le rythme (nombre de pieds) mais supprimer les rimes
- dans un fatras, travailler les vers du distique en paralecture et dislecture (genre contrepèterie ou calembour)
- écrire un fatras ou une fatrasie dans l'esprit du "Saperleau" de Gildas Bourdet
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